Les drones, quelle application technique et quelle législation ?

drone dans le ciel

Article écrit par Roxane Paulin

Cette semaine, nous allons parler d’un sujet qui fait grand bruit ces temps-ci : les drones.

Qu’est-ce qu’un drone ? D’après le site Futura sciences, « un drone ou Unmanned Aerial Vehicle (UAV) est un aéronef sans passager ni pilote qui peut voler de façon autonome ou être contrôlé à distance depuis le sol ».

Vous l’aurez donc compris, le drone est une forme de robot. Ces robots peuvent soit être achetés, soit être fabriqués dans des Fab Lab ou laboratoire de fabrication où l’on peut créer ce que l’on souhaite, à condition qu’il y ait le matériel pour et que nous payons une adhésion (20 euros par an pour le Fab Lab de Toulouse)[i].

Voyons d’abord quelles sont les dernières innovations en matière de drones avant d’aborder leur réglementation.

Actualités récentes

Ces derniers jours, quatre actualités en matière de drones ont retenu mon attention.

La première est une utilisation du drone dit « de loisir ». Outre le fait que le Rwanda ait expérimenté sa première livraison de sang par drone en Octobre dernier[ii] ou bien que des drones soient utilisés pour concurrencer les feux d’artifices[iii], la ville d’Aucamville verra s’ouvrir, le 13 Novembre, le premier centre de loisir de drones au monde, appelé Space Droner, d’une surface de 1 500 m² et comprenant un volume de jeu de 8 000 m3 et situé 51 route de Paris, où nous pourrons venir y pratiquer trois sortes d’activités :

  • « – la Practice, qui est un parcours d’initiation pour apprendre à manœuvrer son drone et une zone de vol libre,
  • la Battle, qui est une zone de combat où il faut faire tomber au sol le drone adverse et,
  • la Race, qui est une course de vitesse dans des parcours jalonnés d’obstacles ».

Vous ne possédez pas de drone ? Ne vous inquiétez pas car ce centre pourra vous en fournir ![iv]

La deuxième actualité nous vient du groupe Tesla. En effet, des chercheurs de l’Imperial College de Londres se sont basés sur les travaux du célèbre ingénieur et physicien Nikola Tesla afin de créer un drone qui se recharge tout seul : « le drone, survolant la zone du champ magnétique à une distance d’environ 10 centimètres, pouvait en puiser de la puissance avant de la convertir en énergie lui permettant de continuer son vol ».[v]

La troisième actualité est parue le 26 Octobre 2016, lors de la PacSec de Tokyo, une conférence internationale sur la sécurité.

Durant cette conférence,  Jonathan Andersson, chercheur en sécurité informatique employé chez TrendMicro, a présenté Icarus, un boitier permettant de contrôler un drone en plein vol. En effet, Icarus « déconnecte la télécommande du drone ciblé et clone cette dernière ».

Icarus a une seconde utilité, tout aussi dangereuse que la première : « il est aussi capable d’identifier n’importe quel drone volant de son environnement proche. Icarus calcule la signature radio du drone et de sa télécommande ».

Cela nous fait ainsi nous poser des questions sur la sécurité de ces engins, encore plus lorsque ce chercheur nous annonce que les failles qu’il a utilisé pour créer ce boitier, un protocole de communication nommé DSMx installé dans la plupart des appareils sans mise à jour possible, ne peuvent pas être corrigées.[vi]

La dernière actualité est, pour le moment, encore au stade de l’idée : donner des tasers aux drones pour que les suspects soient neutralisés à distance.

Cela est-il techniquement possible ? Oui car en 2014, « le studio Creative Moon avait déjà présenté au festival South By Southwest (SXSW) un drone doté d’un Taser capable de livrer des décharges de 80 000 volts ». Par ailleurs, à Dallas, un robot a déposé une bombe au pied d’un sniper pour le tuer[vii].

Cela est-il éthiquement justifiable ? Pas dans tous les pays car en 2007, le Comité contre la torture de l’ONU avait jugé que « l’utilisation du Taser X-26 violait la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Depuis, Taser a amélioré ses produits, garantissant une meilleure efficacité et sûreté du taser cependant, la France interdit toujours le transport du taser (classé comme arme de catégorie B, cf article R315-1 du Code de la Sécurité Intérieure).[viii]

Nouveautés législatives

Nous allons maintenant nous pencher sur la réglementation qui est extrêmement importante car une loi a été publiée le 24 Octobre 2016[ix].Les dispositions de cette loi se trouvent dans trois codes : le code des transports, le code de la consommation et de code des postes et des communications électroniques.

Commençons par observer ce qui a été modifié dans le code des transports.

Son article L.6111-1 porte sur l’identification du drone. Il précise alors qu’avant de voler, il doit être immatriculé sauf si sa masse n’excède pas 25 kg s’il ne contient personne à bord et est contrôlé par un « télépilote »ou s’il possède des caractéristiques particulières (cf un décret qui sera pris par la suite). Vous me demanderez sûrement : mais qu’est-ce qu’un télépilote ? Rassurez-vous, l’article L.6214-1 du même code, créé par cette loi le définit. Cette personne est celle qui peut donc contrôler, manuellement, l’aéronef et qui peut intervenir et détermine sa trajectoire.

Tout le monde peut donc devenir un télépilote si on ne garde que cet article. Et bien non car l’article suivant, le L6214-2, lui aussi créé pour l’occasion précise qu’il faut avoir suivi une formation spéciale (excepté s’il s’agit de drone de loisir dont le poids n’excède pas un certain seuil, lui aussi fixé ultérieurement par décret) qui devra être complété pour « certaines opérations professionnelles effectuées hors vue du télépilote » (cf article L6214-3). Ici, il faudra remarquer que la loi reste floue sur ces « opérations professionnelles ». Dans ce cas, comme dans tous les cas où la loi est vague, il appartiendra aux magistrats de définir cette notion donc, attention aux abus !

Viennent ensuite 2 articles dont l’application est différée au 1er Juillet 2018, voire au 1er Janvier 2019 si les drones sont enregistrés avant le 1er Juillet 2018. Pourquoi me demanderiez-vous ? Bonne question ! Peut-être car cela nécessitera du temps pour être mis en place ?

Ces deux articles sont les L6214-4 et L6214-5.

Le premier oblige les aéronefs dont la masse est supérieure à celle fixée par un décret ultérieur à être équipés d’un « dispositif de limitation de capacités »  sauf s’ils sont « opérés dans un cadre agréé et dans des zones identifiées à cet effet » (des pistes peut-être ? Seul le décret qui sera pris nous le dira). Cependant, il faut s’interroger sur la faisabilité technique de ce « dispositif de limitation de capacités »…

Le second rajoute un autre dispositif obligatoire aux aéronefs cités précédemment : « un dispositif de signalement sonore qui se déclenche en cas de perte de contrôle des évolutions de l’appareil ou de perte de maîtrise de la trajectoire de l’appareil par son télépilote ». Ici, en revanche, nous nous apercevons que ce dispositif est plus « faisable » en terme technique mais que faire s’il a été endommagé ?

Que faire en cas de violation de la loi ? Le tout nouvel article L6232-12 du même code prévoit une peine de six mois d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende en cas de survol du territoire français s’il y a violation d’une interdiction prononcée dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 6211-4.

En revanche, si un télépilote engage ou maintient un aéronef dans les mêmes conditions que précédemment, il sera puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. Attention ces peines sont toutefois à relativiser car les magistrats doivent se baser dessus pour condamner mais pas forcément les suivre à la lettre.

L’article L6232-13 précise également que l’aéronef pourra être confisqué.

Intéressons-nous, à présent, au Code de la Consommation.

L’article créé par la loi du 14 Octobre 2016 est l’article L425-1 qui oblige les fabricants ou importateurs d’inclure dans les emballages des produits ET des pièces détachées une notice d’information relative à l’usage des drones. L’article précise également ce qu’elle doit contenir : elle doit rappeler « les principes et les règles à respecter pour utiliser ces appareils en conformité avec la législation et la réglementation applicables ».

Mieux encore, cette notice doit également être présente si le drone vient d’un vendeur d’occasion alors n’oubliez pas de les garder même si vous êtes sûrs de ne pas vendre votre aéronef par la suite, on ne sait jamais…

 

Enfin, remarquons la modification du Code des postes et des communications électroniques.

Un seul article a ici été modifié : il s’agit de l’article L34-9-2 dont l’application est, elle aussi, différée (pour les dates, cf les derniers articles cités du Code des Transports ci-dessus).

Cet article précise que, pour les aéronefs  possédant les caractéristiques précitées, il faut un dispositif de signalement lumineux et d’un dispositif de signalement électronique ou numérique. Dans ce cas, cela sera simple puisque ce dispositif existe déjà (sauf, bien entendu s’il est cassé).

Afin de conclure cet article, je voudrais finir sur une décision très sévère : celle de la cour administrative suprême de la Suède, qui encadre très strictement l’utilisation de drones équipés d’une caméra ou d’un appareil photo : soit ils seront interdits, soit ils nécessiteront un permis.[x]

 


 

[i] Pour en savoir plus, je vous renvoie à leur site : http://www.artilect.fr

[ii] http://www.numerama.com/tech/201875-le-rwanda-lance-le-premier-grand-programme-de-livraison-de-sang-par-drones.html

[iii] http://hightech.bfmtv.com/epoque/ibm-veut-ringardiser-les-feux-d-artifice-avec-des-drones-1056369.html

[iv] http://www.numerama.com/pop-culture/204914-spacedroner-un-centre-pour-faire-des-combats-et-des-courses-de-drones-a-toulouse.html

[v] http://nr.news-republic.com/Web/ArticleWeb.aspx?regionid=2&articleid=76330944

[vi] http://www.zataz.com/icarus-drone-hacker/#axzz4OYyVxcCi

[vii] http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2016/07/09/des-policiers-tuent-un-suspect-avec-un-robot-bombe-une-premiere-aux-etats-unis_4966946_3222.html

[viii] http://www.numerama.com/tech/203137-taser-propose-a-la-police-de-monter-ses-pistolets-paralysants-sur-des-drones.html

[ix] LOI n° 2016-1428 du 24 octobre 2016 relative au renforcement de la sécurité de l’usage des drones civils. Si vous désirez vous renseigner sur l’évolution du texte jusqu’à sa version définitive, je vous joins les liens des modifications qu’il a subi :

Pour vous renseigner sur la législation avant cette loi, je vous renvoie à ces quelques liens :

[x] http://www.numerama.com/politique/203801-la-suede-dit-non-aux-drones-avec-camera-et-en-france.html

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